Que dit la loi ?
Parce que nous sommes tous spécialistes dans nos métiers, accordez que être spécialiste de la loi n’est pas de notre ressort.
Aussi, notre collectif s’est cotisé à l’unanimité, afin de s’offrir les services de consultation d’un Maitre Avocat, spécialisé en droit commercial et pouvoir apporter des réponses claires, fiables et véritables à l’ensemble de nos pairs de l’industrie française du mariage.
Ci-dessous, le retour exact de nos travaux avec Maître Emmanuel LOISEAU.
Nous avons précisément interrogé Maitre Loiseau sur les conséquences juridiques de l’épidémie de COVID-19 au regard de nos activités et de nos relations contractuelles avec nos clients et/ou partenaires.
Plus précisément, nous avons souhaité connaître la définition de la force majeure et son impact sur nos obligations comme celles de nos clients, et notamment en cas de report ou d’annulation des mariages.
1. Sans être exhaustif, il y a lieu de rappeler sommairement la chronologie des évènements :
Le 30 janvier 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclenché l’état d’urgence de santé publique.
Le 28 février 2020, le Ministre de l’Economie qualifie la situation de force majeure.
Du 4 au 15 mars 2020, il a été publié une série d’arrêtés contraignant au regard de la liberté de commerce et d’entreprendre (fermeture de commerce, …), de la liberté de circulation, de la limitation des rassemblements.
Le 16 mars 2020, le confinement est ordonné par le décret n°2020-260 à partir du 17 mars et initialement jusqu’au 31 mars.
Le confinement a été renouvelé, et dernièrement jusqu’au 11 mai.
Au-delà du 11 mai 2020, il a été annoncé par Monsieur le Président Macron des mesures progressives de déconfinement, sans plus de détail.
L’ensemble de cette chronologie doit être prise en considération pour apprécier l’existence et l’application d’un cas de force majeure à la relation contractuelle entre le professionnel et le client.
2. L’article 1218 du code civil précise les conditions pour reconnaître un cas de force majeure :
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »
La première condition est l’existence d’un évènement qui échappe au contrôle du débiteur (de l’obligation), qui lui est extérieur.
Cela signifie que l’évènement ne doit pas dépendre de la volonté d’une des parties, et plus spécifiquement de celui qui devait exécuter l’obligation.
L’apparition du COVID-19 et sa propagation sont extérieures au professionnel et au client.
La deuxième condition est l’existence d’un évènement qui n’a pu être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent pas être évités par des mesures appropriées. Il s’agit ici d’apprécier le caractère imprévisible du COVID-19.
Ce caractère imprévisible doit s’apprécier au cas par cas, ainsi que les mesures qui peuvent potentiellement être prises pour éviter les effets du COVID-19.
Il est raisonnablement possible de considérer qu’au regard de la propagation rapide du virus et de l’absence de connaissance liée au COVID-19, le caractère d’imprévisibilité de l’évènement soit reconnu.
Néanmoins, il y a lieu d’apprécier cette imprévisibilité au regard de la chronologie sommairement rappelé juste avant.
Il faut prendre en compte la date à laquelle les engagements (le contrat) ont été pris.
Si les engagements ont été pris à une date où on connaissait les textes réglementaires notifiant les fermetures ou les restrictions de rassemblement, alors il n’y a pas d’imprévisibilité, et donc pas de force majeure.
Si les engagements ont été pris peu de temps avant les interdictions ou limitation, mais que les faits et annonces (notamment gouvernementales) laissaient présager une accentuation des interdictions ou limitations, il est raisonnablement possible de considérer que le caractère d’imprévisibilité fera défaut pour reconnaitre un cas de force majeure.
Il faut également démontrer que les effets du COVID-19 ne pouvaient pas être évités par des mesures appropriées. Là aussi, si la situation aujourd’hui démontre qu’il apparait difficile d’imaginer quelles mesures pouvaient être prises pour éviter les effets du COVID-19 sur les obligations de chaque partie, les appréciations de chaque cas seront différentes selon le moment où l’on se place.
La troisième condition est que l’évènement doit empêcher l’exécution de son obligation par le débiteur. Cette condition exige de démontrer qu’il n’est pas possible d’exécuter l’obligation à la date et dans les
conditions convenues initialement au contrat.
L’appréciation de la force majeure doit être réalisée au cas par cas. L’ensemble des conditions doivent être réunis pour reconnaitre un cas de force majeure.
Il faut préciser à ce stade que la force majeure ne se décrète pas. Si les parties ne s’entendent pas sur l’existence et les conséquences d’un cas de force majeure, il appartient alors au juge du fond d’apprécier la situation.
Si l’une des conditions rappelées ci-dessus fait défaut, alors il n’y a pas de force majeure.
Dès lors, le COVID-19 ne peut en lui-même justifier un cas de force majeure. Chaque situation contractuelle sera interprétée différemment, notamment en raison de la date de signature des engagements, de la date de l’évènement, et des obligations concernées qui ne peuvent ou non être exécutées.
3. En cas de reconnaissance d’un cas de force majeure, quelles sont les conséquences sur les obligations des parties.
La force majeure entraîne deux effets :
• Le débiteur de l’obligation empêchée est libéré de celle-ci : cela signifie par exemple que :
o Si le professionnel ne peut réaliser la prestation, il est libéré de l’obligation de la réaliser.
o Si le client ne peut maintenir son mariage, il est libéré de son obligation vis-à-vis du professionnel, à savoir payer le prix de la prestation (sous réserves des précisions apportées ci-après).
• Ce même débiteur est exonéré de sa responsabilité : cela signifie en reprenant l’exemple ci- dessus que :
o Le professionnel ne peut voir sa responsabilité engagée pour ne pas avoir exécuté son obligation.
o Le client ne peut voir sa responsabilité engagée pour ne pas avoir payé la prestation. Ces effets varient cependant selon l’ampleur de l’empêchement. L’article 1218 du code civil distingue
si l’empêchement est provisoire ou définitif :
✓ Si l’empêchement est provisoire : le contrat est suspendu pendant la durée de l’empêchement.
✓ Si l’empêchement est définitif : le contrat est résolu de plein droit.
Dans le cadre de l’organisation d’un mariage, il peut y avoir une discussion sur la nature provisoire ou définitive de l’empêchement :
✓ Doit-on considérer que la date fixée pour le mariage peut être repoussée, et donc le contrat est simplement suspendu ; ou doit-on considérer que la date fixée ne peut être repoussée, et donc le contrat est résolu ?
La réponse n’est pas unique. Il y aura lieu d’étudier au cas par cas toutes les conséquences comme par exemple d’un changement de date par rapport aux autres professionnels intervenants (hébergeurs, traiteurs, photographes, …).
Compte tenu de la complexité liée à l’organisation d’un mariage (notamment en raison de la multitude des intervenants), le report de date ne semble pas si simple à mettre en œuvre avec les mêmes conditions.
Le risque est donc de considérer que le contrat doit être résolu. Que se passe-t-il en cas de résolution du contrat ?
L’article 1229 du code civil précise les conséquences de la résolution. Celle-ci met fin au contrat.
Dès lors, soit le contrat prévoit les effets de la résolution, et il faut se référer au contrat. Les effets de la force majeure sur le contrat ont pu être régies (exemple : non-restitution des acomptes, …) par les dispositions dudit contrat.
Il faut cependant être attentif à ces clauses contractuelles régissant la force majeure qui ne doivent pas tomber sous le régime des clauses abusives de l’article L212-1 du code de la consommation par exemple.
Soit le contrat ne prévoit rien, et l’article 1229 alinéa 3 du code civil précise que la résolution du contrat entraîne la restitution de ce qui a pu être perçu. La restitution peut être partielle ou totale.
La question se pose des sommes perçues (acomptes ou arrhes) par le professionnel.
Là encore, chaque situation sera différente. Des prestations ont-elles déjà eu lieu ? Si oui, les sommes perçues sont susceptibles d’être conservées. En cas de contestation, il y aura lieu de justifier de la réalisation des prestations.
Si aucune prestation n’a été réalisée, il est vraisemblable qu’une restitution des sommes perçues doivent être organisées.
Maître Emmanuel LOISEAU
Maître Emmanuel Loiseau est titulaire d’un Master I Droit des Affaires et d’un Master II Droit des entreprises. Il a prêté serment le 18 novembre 2010 après une expérience de juriste au sein d’un groupe leader du marché agro-alimentaire puis d’un organisme de sécurité sociale et exerce au barreau du Mans. Avocat d’affaires depuis 10 ans au sein du cabinet Sofiges, il intervient sur les activités dominantes afférentes au droit économique, au droit du travail et de la sécurité sociale. À ce titre, il conseille les créateurs, les entreprises et chefs d’entreprises, notamment dans le choix, la rédaction et la négociation d’actes juridiques tels que les contrats commerciaux, contrats de travail, modifications de contrats…)Il assiste au quotidien les entreprises dans le cadre des relations commerciales avec leurs partenaires, clients ou fournisseurs.
En cas de contentieux, Emmanuel LOISEAU assiste et représente ses clients sur l’ensemble du territoire français devant les juridictions commerciales (Tribunaux de commerce), civiles (Tribunaux de Grande Instance) et sociales (Conseils de Prud’hommes et Tribunaux de Grande Instance Pôle social).